
Le pitch : "Un homme profite de sa richesse et de son esprit cultivé pour exercer une impitoyable domination intellectuelle et physique sur sa jeune épouse."
Une jeune femme plutôt vieille fille, subissant sa mère tarée au milieu de la bourgeoisie allemande vieillissante.
Elle rencontre un homme, beau, charismatique.
S'en suit le récit impitoyable d'un homme sadique et manipulateur, qui va petit à petit ôter l'humanité et la personnalité de Martha.
Il la laisse s'endormir en plein cagnard après lui avoir astreint de ne pas mettre de crème pour mieux bronzer -il est médecin- ("tu as la peau si blanche"), résultat brûlures sur tout le corps et là paf! il lui fait l'amour... Aïe
Il rompt son contrat de travail sans lui en parler.
Il lui dicte la musique à écouter et les livres à lire (elle apprendra par cœur un livre technique sur les barrages...)
Il jongle entre autoritarisme et souplesse dissimulatrice (il accepte la venue d'un chat pour qu'elle lui soit entièrement reconnaissante, mais il l'empoisonne ensuite, faudrait pas qu'elle ressente de l'affection pour un objet extérieur à lui)
Il lui demande de ne plus sortir seule, de rester enfermée toute la semaine ("parce que je t'aime si fort je mourrais si tu me trompais autant ne pas te soumettre à la tentation), elle lui demande alors d'avoir un enfant, il lui répond qu'avec la mère qu'elle a elle ne voudrait quand même pas faire un enfant hydrocéphale...
Il la rabaisse continuellement dans tout ce qu'elle entreprend, surtout quand c'est pour lui faire plaisir à lui, mais toujours avec subtilité, pour arriver à ce qu'elle se sente nulle et conne.
Bien sur, elle est vierge, il peut donc sans vergogne lui faire subir son dictat sexuel, violent et bestial. Après une scène de ce type (on ne voit rien, c'est Fassbinder quand même...) où elle pleure, il lui dit qu'il l'aime tellement qu'il ne peut pas se contrôler, elle culpabilise et elle lui demande pardon...
Elle sombre peu à peu dans la folie, on sent quand même chez elle une très très légère propension à la rébellion, complètement avortée à chaque tentative. Elle finit par penser qu'il va la tuer. Elle a peur mais ne comprends pas les mécanismes en jeu.
J'ai trouvé que ce n'était pas tant une histoire domestique qu'un exemple de manipulation de la conscience qu'on retrouve dans tous les domaines où les hommes interagissent entre eux : le couple bien sûr, mais aussi l'entreprise, la religion, les sectes évidemment, et généralisons joyeusement à la société organisée qui mène au dictat.
Voici sur le fond.
Sur la forme, Fassbinder, c'est pas évident. Bien sûr on reconnait une mise en scène hallucinante ou chaque scène est un tableau.
Par contre, il faut supporter la théâtralité des dialogues (redoublés), les maquillages dénués de naturel, les pauses superficielles. Ça sonne moins faux qu'un Rohmer de la grande époque, mais quand même.
Bon, Fassbinder, c'est esthétique, voilà.
Voici ce que disait Fassbinder sur son film : « Si, à la fin du film, Martha n'est plus capable de vivre seule, c'est qu'elle est parvenue à ses fins… (…) La plupart des hommes ne sont tout simplement pas capables d'opprimer les femmes aussi parfaitement qu'elles le souhaiteraient »
Non, je ne m'insurge pas sur ce propos, n'ayant aucune compassion pour les femmes assujetties au paternalisme global de la société.
Vous croyez que ce genre de domination de l'homme sur la femme n'est plus d'actualité ? Que nenni ! C'est un schéma bien ancré dans toutes les têtes dès la naissance. Le paternaliste du groupe familial, puis de l'entreprise, puis du couple, puis de la société et des gouvernements.
Pas de remise en question, ça veut dire qu'une femme acceptera bien volontiers un homme (un dur, un vrai !) et sa domination, ce qui lui permettra de se retrouver, sereine, dans le rôle qu'on lui a taillé.
C'est ainsi aussi que les hommes se font dominer (berner) par les gouvernements, c'est tellement intellectuellement plus simple de se soumettre à autrui...
Vouloir changer ça, c'est accepter d'avoir des rapports de domination, pourquoi pas (car on peut voir la domination ainsi : quand je prends la parole, je domine déjà ceux qui m'écoutent), mais bilatéraux et équilibrés, de partager les pouvoirs, de respecter les individualités.
Vaste programme.
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